"Le long périple d'Hakim et Aïcha"
- Romane
(Partie n°1)
- Viens, il faut qu'on s'en aille.
- Déjà ? Je suis fatiguée.
- Il faut qu'on s'en aille, qu'on s'éloigne.
- Oui mais Papa, Maman, où sont-ils ?
- Je ne sais pas. Ils m'ont juste dit qu'il fallait partir loin, très
loin.
Que c'était trop dangereux de rester là.
Tout le monde est en train de partir. Il faut qu'on les suive. Ils disent tous
qu'arrivés à la frontière ce sera mieux. J'ai promis à Papa qu'il ne t'arrivera
rien, que je prendrai soin de toi. Je sais que c'est dur mais nous devons être
courageux.
- Qui sont tous ces gens qu'on suit ?
- Je ne sais pas, je sais seulement qu'ils fuient, comme nous.
La petite Aïcha avait poussé un long bâillement. Sans lui laisser le temps
d'enfiler ses chaussures, Hakim, son grand frère, l'avait prise dans ses bras.
Il avait emporté un sac qu'il avait rempli avec le peu de vêtements et de
nourriture qu'ils possédaient.
- Attends !
- On n’a pas le temps, les gens partent, nous devons les suivre.
Ces mots n'avait pas calmé Aïcha. Celle-ci s'était débattue
et avait essayé de poser le pied au sol. L'adolescent avait donc posé sa sœur
qui immédiatement, s'était mise à courir en direction de la maison. Quelques
dizaines de secondes plus tard, elle en était ressortie avec ses chaussures aux
pieds et sa peluche à la main. Elle était arrivée en trottinant vers son grand
frère, un petit sourire aux lèvres. Elle ne comprenait sans doute pas le long
et dangereux périple qui les attendait. Il faisait nuit. Une nuit noire et
effrayante. Le village était entouré d'une épaisse forêt, qu'il faudra
traverser silencieusement. Des dizaines de villageois, en famille ou en couple,
parfois seul, s'acheminaient silencieusement vers la place de la petite ville.
Ils avaient un maigre bagage et la peur se lisait sur leur visage mais presque
tous semblaient déterminés à fuir leurs pays. Les deux enfants les suivirent.
Quand Aïcha et Hakim arrivèrent sur les pavés de la place, il y avait déjà des
dizaines, peut-être même une ou deux centaines de personnes, prêtes à fuir leur
pays.
- Pourquoi il y a autant de gens ? On va où ? demanda Aïcha.
Hakim s’accroupit face à sa sœur.
- Papa et Maman sont partis. Loin. On doit les rejoindre. Ils avaient une
occasion inespérée de s'enfuir. Un de leurs amis est venu à la maison cette
nuit, m'a tout dit et m'a donné le message de Papa : il me demande de veiller
sur toi et de les rejoindre, en France. Il sortit de sa poche un bout de papier
où était inscrite l'adresse d'une maison à Nice.
- C'est où ça, Nice ? demanda-t-elle, perplexe.
- C'est en France, répondit Hakim.
- C'est où la France ?
- C'est très loin et il n'y a pas de guerre, expliqua-t-il.
- Oh.. Aïcha s'imaginait, dans un pays sans guerre et sans horreur.
Une question la taraudait :
- Mais.. Et les sangliers ? C'est eux qu'on fuit ?
Hakim sourit tristement. Leur père, pour expliquer la situation critique de
leur pays à sa fille, avait employé le mot « sanglier » pour parler des
terroristes. Grâce à ce mot, la petite avait très bien compris la situation
sans en être affectée. Le garçon ne voulait pas inquiéter sa sœur, c'est
pourquoi il lui répondit tout simplement :
- Ne t'inquiètes pas, tout se passera bien. Les sangliers ne nous embêterons
pas. Mais oui, ce sont eux que nous fuyons.
Malgré cette tentative pour la rassurer, Hakim voyait bien que cela ne
suffisait pas : Aïcha affichait une mine dubitative.